C'est une belle surprise qu'a eu l'équipe hydrographique du Beautemps-Beaupré en transit vers Madagascar après son déploiement en Indonésie. Le 4 août dernier, dans l'écho du sondeur multifaisceaux du navire, se dessinent des reliefs non reportés sur les cartes marines. L'ingénieur en chef de l'armement Denis Créac'h, directeur du groupement hydrographique et océanographique de l'Atlantique (GHOA) partage les conditions de cette découverte qui confirme que les fonds marins recèlent encore un large potentiel d'exploration.

Où et quand ces monts sous-marins ont-t-ils été découverts ?

Denis Créac'h - Les mont sous-marins que nous avons découverts le 4 août 2023 se situent dans les eaux internationales, à l'ouest de la ride du 90° Est, entre l'île de Sumatra et les Maldives.

Dans quel contexte cette découverte a-t-elle été faite ?

D.C. -  Après une relève d'équipage en Malaisie, le Beautemps-Beaupré faisait route vers Madagascar - zone de travaux suivante après ceux conduits dans le Golfe du Bengale. Dans ce genre de situation (transit dans les eaux internationales), le Shom met en oeuvre les sondeurs multifaisceaux du navire pour combler le déficit de connaissance des fonds de l'océan et alimenter le programme international GEBCO. C'est à cette occasion que nous avons cartographié ces monts sous-marins.

Quelle était alors l'atmosphère à bord ?

D.C. - Pour les hydrographes et les marins du bord, découvrir un mont - comme une épave - apporte toujours une petite dose d'adrénaline. Au moment du survol du mont par le navire, nous observons, en direct, le fond remonter de - 4 000 m à - 2 600m en 2 nautiques et 10 minutes. Nous nous interrogeons alors sur la cote finale de ce sommet et des pronostics se mettent rapidement en place entre le PC scientifique et la passerelle.

Ensuite, nous nous demandons si ce sommet a déjà été cartographié, ce qui dans cette situation n'était pas le cas.

Peu à peu, l'information se propage dans le bateau qui s'emplit d'un esprit de découvreurs de terres inconnues.

Cette mise au jour nous offre l'opportunité à nous, hydrographes, d'expliquer ce qui constitue notre métier et nos missions. Et d'expliquer que le fond des mers reste encore une terre pleine d'inconnues et qu'il reste encore beaucoup à faire.

Que se passe-t-il ensuite ?

D.C. - De façon pratique, nous continuons notre route vers Diego-Suarez pour moderniser l'hydrographie du port et sécuriser des voies de navigation au profit de cargos et de paquebots à Nosy Bé à Madagascar et ainsi contribuer à la sécurité maritime et au développement économique de ces zones.

À froid, la question est de savoir si le mont est connu et s'il est possible de lui attribuer un nom.

L'hydrographe de quart au moment de la découverte a souvent la primeur du nom attribué au sein du bord mais celui-ci n'est qu'éphémère.

La question de l’attribution d'un nom officiel se pose alors et un dossier de proposition d'attribution de nom reste éventuellement à monter vers la commission ad hoc de l'OHI.

Cela permet à tous à bord de mesurer le rôle que joue le Shom dans l'hydrographie mondiale.